samedi 17 octobre 2009


DROIT A L'IMAGE OU DROIT DE SE TAIRE ?

Aujourd'hui, lorsque vous voulez photographier une personne en France, vous devez vous prémunir de son autorisation écrite, sans quoi l'article 9 du code civil peut vous voir condamné au titre du droit à l'image et du respect de la vie privée : "Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. "

Cette loi du 19ème siècle est une chose, sa jurisprudence en est une autre : c'est elle qui fait loi. Ce qui rend la tâche compliquée, car les jugements demandent une transcription et la jurisprudence, par définition, évolue en permanence...

Aujourd'hui lorsqu'un photographe sort dans la rue pour témoigner
de l'état du monde, il ne peut s'empêcher d'avoir des arrières pensées
et des doutes sur la réaction des personnes qu'il va croiser... Il passe
au prime abord pour un coupable, pour un hors la loi ou pour un être
médisant qui va forcément dire du mal des personnes qu'il va photographier...
Aujourd'hui, si cette loi est facilement applicable lors de la réalisation de portraits, elle est totalement inadaptée à la pratique du reportage, elle est la mort lente du photojournalisme en France, si elle ne change pas. (Seules les images d'actualité ne nécessitent pas d'autorisation, mais seulement pour une unique et immédiate utilisation dans le cadre stricte de cette actualité).

Aujourd'hui, tous les problèmes de droit à l'image des photographes tient beaucoup dans le fait que ce droit à l'image est très à la mode car trop relayé par les journaux télévisés. Il ne passe plus une prise de vue dans la rue sans que les photographes subissent au mieux des remarques, ou au pire vivent des accrochages allant parfois jusqu'à la plainte. (voir les exemples ci-dessous). Aujourd'hui, le problème n'est pas dû à l'image mais à l'utilisation incontrôlable de celle-ci sur internet. Trop d'abus, une psychose qui s'est généralisée, Internet est devenu le diable.

Aujourd'hui, ce phénomène touche également la télévision : visages floutés, marques de produits floutées, plaques d'immatriculation floutées... On en arrive même à se demander à quoi il sert encore de filmer puisque l'on ne peut presque plus rien montrer ...

Aujourd'hui les sites porno , qui se comptent par millions (17.900.000 trouvés sur google), inondent la planète en toute légalité. Au même moment on ne peut plus photographier librement dans la rue, le plus banal des passants... Absurde, non ?

Demain, si nous ne faisons rien, Doisneau et Cartier-Bresson seront les icônes
du temps ou l'on pouvait aller "à la pèche aux images en sifflotant"...

Demain, que restera-t-il à nos enfants de la vie des années 2000 ? Des images d'actualité, des portraits posés et des images volées... Rien de mieux.

Aujourd'hui comme demain, il faut continuer à photographier dans la rue comme nous l'avons toujours fait. Il ne faut pas baisser les bras, même si les altercations se multiplient... Continuer à photographier librement est la meilleure réponse à donner à la dictature du droit à l'image.

Aujourd'hui, en opposition au droit à l'image, nous réclamons la liberté de pou- voir exercer "le droit du regard", le droit de raconter le monde, qui sont tous deux les fondements de notre profession.

Contact : frjphotos@orange.fr et 06 18 99 41 49